Évaluation

L’évaluation positive

La théorie de développement de l’intelligence que Jean Piaget décrivait, il y a quarante ans, comme un modèle d’apprentissage linéaire et cumulatif, stade après stade, en « escalier », est remise en cause par les apports récents des neurosciences [1].

Le développement d’un enfant est irrégulier est asynchronique, et chaque enfant a son propre rythme d’apprentissage. Il est essentiel de laisser chacun disposer du temps qui lui est nécessaire.

Le regard porté sur les apprentissages reste bienveillant : chaque élève peut réussir, à son rythme, s’il évolue dans sa zone proximale d’apprentissage (Mireille Brigaudiot).

L’évaluation est l’outil que se constitue le maître pour piloter sa classe : aménager la progressivité, différencier, remédier. Elle se fait en situation et s’appuie sur des observations (à l’aide de grilles, d’un cahier à onglet, de photographies datées...). L’enseignant s’outille pour évaluer lors d’ateliers ciblés, adopte une posture d’observateur par moments (par exemple lors de l’accueil), s’attache à comprendre le processus et les stratégies mises en oeuvre, collecte, garde trace et verbalise les réussites afin que l’élève en soit conscient.

C’est le processus d’apprentissage, le cheminement, qui doit être mis en avant.
Deux outils pour évaluer au cycle 1.

Le document de synthèse qui recense les acquis de fin de cycle 1. Il exprimera des niveaux de réussite et ne sera pas exhaustif : 22 items pour les 5 domaines d’apprentissage. L’école élémentaire devra s’en emparer pour assurer la continuité des apprentissages, dans une optique de prévention plus que de remédiation.

Le carnet de suivi est personnalisé et évolutif. Il a pour vocation à mettre en valeur les progrès et les réussites. Viviane Bouysse, IGEN, rappelle que « l’évaluation positive n’est pas destinée à masquer les lacunes ». Il s’agit d’aider l’enfant à repérer ses erreurs, qui, pour rappel, sont nécessaires à tout apprentissage, et de l’accompagner pour les analyser et les comprendre.

Les attendus de fin de cycle, avec des repères de progressivité, sont des balises et non une norme. La mesure de la réussite ne se fait donc pas par rapport à une « norme » mais en fonction du cheminement. Une grande place doit être laissée aux essais et à l’autoévaluation.

L’équipe d’enseignants mènera une réflexion sur les traces significatives des progrès réalisés, leur nombre et leur nature : dessins, productions, photographies, collages...

Enfin, ce carnet est un outil au service de la communication avec la famille. En ce sens, il doit faire l’objet d’un dialogue explicite sur les démarches et les modalités adoptées.

Le repérage des fragilités de certains élèves relève d’un autre outil professionnel, croisant les regards avec d’autres professionnels.

Notes

[1] L’apport des neurosciences

Notre cerveau est structuré dès la naissance et est doté d’algorithmes d’apprentissage puissants. Les capacités de tous sont vastes et l’une ne se développe pas au détriment des autres. Les différentes zones du cerveau et les différents intelligences qui en découlent (verbale, mémorielle, spatiale, interpersonnelle,...) bénéficient de l’évolution de chacune.

Un climat propice aux apprentissages est primordial : l’école doit fournir un environnement structuré, enrichi, exigeant, tout en étant accueillante et tolérante à l’erreur.

Le rôle du sommeil

Le cerveau travaille pendant le sommeil : il « met en ordre » les nouveautés enregistrées, détecte les régularités, assoit la mémoire des faits vécus, établit des généralisations. Chez les enfants présentant des troubles de l’attention ou des difficultés d’apprentissage, il a été noté qu’une intervention sur le temps de sommeil peut avoir des effets aussi, voire plus, bénéfiques que la pharmacologie.

Le rythme

Pour améliorer la mémoire à long terme, mieux vaut un quart d’heure d’apprentissage d’une notion tous les jours plutôt qu’une heure quelques jours par semaine. Le cerveau n’est pas fait pour n’apprendre que quelques jours dans la semaine. Pour amorcer un cercle vertueux (notamment le week end et en particulier dans les familles défavorisées), les « serious games » pourraient jouer un rôle : en un quart d’heure tous les soirs, la cognition serait stimulée plutôt que d’être en mode passif deux jours de suite.

Les quatre piliers de l’apprentissage

1. L’attention

Le système de l’attention, décomposé en différentes étapes (alerte, orientation et contrôle), fonctionne comme un filtrage sélectif qui rend « invisibles » les signaux non-pertinents au regard de l’objet retenu comme intéressant. Il s’agit donc de bien orienter l’attention, captiver et canaliser, sans « distraire » par trop d’illustrations ou trop d’informations. Un contrôle exécutif s’opère afin d’inhiber un comportement distrayant.

2. L’engagement actif

L’apprentissage ne se fait que si l’élève est mobilisé. La mobilisation sera renforcée si les conditions d’apprentissage sont raisonnablement difficiles.

3. Le retour d’information

L’erreur est indispensable pour apprendre. Le cerveau fonctionne par itérations, avec des cycles décomposés en : prédiction, feedback, correction et nouvelle prédiction. Le cerveau lance une prédiction et reçoit, au cours de l’exécution de la tâche, des informations sensorielles. La différence avec la prédiction crée un signal d’erreur qui va permettre au cerveau de corriger et d’améliorer la prédiction suivante.

L’erreur n’est donc fertile que si elle est activement remarquée par l’élève mais surtout si elle n’est pas considérée comme une faute, le stress étant un inhibiteur d’apprentissage.

L’approbation, la validation et l’encouragement doivent conclure un succès pour renforcer la motivation.

4. Consolidation de l’acquis

Il s’agit d’accomplir le transfert de l’explicite vers l’implicite. Progressivement, en se transférant vers des réseaux moins conscients, plus rapides, plus efficaces, le cerveau parvient à une automatisation. Cela libère le système du cortex préfontal, qui redevient disponible.